Le blog de Franca

Franca Maï la singuière | Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 24 janvier 2005

Speedy Mata selon Betty Trouillet Librairie les 3 épis/ Carcassonne

Les livres lus et conseillés par les libraires PAGE N°94 Janvier 2005

Franca Maï Speedy Mata Le Cherche-Midi Photographiée par Philippe Matsas Agence opale

Ce court roman commence par un acte de vengeance. Mata, bouleversée par la mort de sa mère qui s'est défenestrée après avoir été licenciée, va tuer pour se venger de ce triste sort. Avec ivresse et désespoir, l'adolescente nous entraîne dans sa folie meurtrière. Retour en arrière: Mata et sa mère vivent seules dans un quartier ouvrier, le père les a quittées. Alors la mère assume tout, et se sacrifie pour que Mata aille dans une école de nantis où elle côtoie la fine fleur de la société. C'est une élève douée, sensible et intelligente, mais une adolescente fougueuse et rebelle. Elle est admirée de tous, mais cache aux autres son milieu social. La vie coule tranquille et heureuse, jusqu'au jour où l'usine Coutinex se délocalise et licencie. Mata apprend par hasard que sa mère n'a plus de travail. Il n'y a pas de mots pour répondre à l'injustice de cette société.

Après « Momo qui kills », Franca Maï nous émeut et nous déroute avec ce nouveau roman au phrasé doux et violent. Un petit texte fort et intense qui m'a laissée sans voix.

Betty Trouillet Lib, Les 3 Epis, Carcassonne.

Ingeborg Bachmann: La femme de Feu

C'est au cours d'une flânerie entre les rayons touffus d'une librairie qu'un jour, vos doigts fiévreux s'arrêtent sur un petit livre: « Berlin, un lieu de hasards » et que les mots d'une poétesse majeure, s'imprègnent à jamais dans votre occiput, sans penser à fuguer.

Vous découvrez après lecture, la femme. Vous apprenez qu'elle est morte, brûlée vive, dans sa chambre d'hôtel à Rome le 17 juillet 1973. Du même feu qui la consumait intérieurement, lui faisant cracher ses entrailles, avec une pudeur facétieuse et déroutante.

Autrichienne, née en 1926, fille de Mathias Bachmann -appartenant au noyau dur des nazis de Carinthie- elle n'aura de cesse de défricher des chemins « pour libérer les Hommes des mots salis par les tortionnaires ».

Elle commence sa carrière en gravitant autour du Groupe 47.

Elle n'arrêtera jamais de dénoncer, au travers ses oeuvres, l'empreinte et l'influence néfastes de la société capitaliste, impérialiste et patriarcale.

Amante malheureuse de Paul Celan et de Max Frisch, elle a traduit poétiquement et philosophiquement, le mirage de vivre en couple.

Réputée mystérieuse, également par ses contemporains, il émanait de sa personne, un souffle incompréhensible, étrange où l'acuité et l'émotivité du regard qu'elle portait sur le monde, étaient accoucheuses de questionnement inachevé.

Il faut lire Ingeborg Bachmann. Pour ne plus se sentir orphelins en ces temps d'intolérance, à répétition programmée.