La République du Centre du Vendredi 30 janvier 2009 entretien mené par Valérie Baudouin

Regarder la mort en face et lui faire un bras d'honneur...

Valérie Baudouin:'' Qu'est ce qui a été à l'origine du choix du thème central de votre livre, je veux parler de l'euthanasie? ''

Franca Maï: L'euthanasie est un sujet que d'aucuns abordent avec des pincettes et des pudeurs récurrentes liées à une seule et unique peur: la mort, cette grande traîtresse qui happe sans prévenir. Choisir sa mort signifie que l'on se donne la possibilité de la regarder en face en lui faisant un bras d'honneur. L'euthanasie est un chemin très personnel. Il n'est pas invraisemblable que légiférer une loi sur l'euthanasie, dans ce monde actuel basé sur le tout économique ouvre une porte unique au règne des bien-portants et soit sujet à des abus non choisis par des malades. De plus, donner un tel pouvoir à un Etat peut demain se retourner contre les plus faibles. L'idéal serait de pouvoir mourir quand on le désire avec des choix plus conviviaux et imaginatifs qu'une chambre d'hôpital et une seringue. Il faut bien comprendre également qu'un malade en état de grande souffrance peut changer d'avis plusieurs fois dans la journée, suivant son état de fatigue. L'amour qui l'entoure ou non, peut retarder également sa décision. Lui seul sait et sent quand il est prêt à prendre ce train de non-retour. La mort ne doit pas être une industrie, chaque cas est unique.

Quel est le message que vous avez voulu faire passer dans votre livre autour de ce thème qui revient souvent, en ce moment, dans l'actualité?

Dans Crescendo, plusieurs personnages s'expriment à ce sujet. J'espère que ce roman fera réfléchir sur la vie si précieuse que nous malmenons à force de ne pas l'apprécier.

Y a-t-il une part de vous même dans l'une ou l'autre des personnages féminins ou dans plusieurs d'ailleurs?

Dans chaque roman, tout écrivain laisse une part de lui-même consciemment ou non. L'écriture est une alchimie particulière qui peut dépasser son créateur. Elle peut même être prémonitoire. Mais l'écriture est le seul vrai espace de liberté. J'aborde toujours des thématiques difficiles mais le choix du récit romanesque et le rythme dense d'un langage contemporain permettent de les rendre accessibles. Les lecteurs s'identifient à des personnages faits de chair, d'ombres, de luminosités, de complexités dans lesquels ils se retrouvent à un moment donné. Ils peuvent donc s'adonner à une réflexion approfondie, sans gêne ni tabou.

Au delà du thème de l'euthanasie, vous abordez également les relations entre les hommes et les femmes, la notion de rapport entre bourreau et victime apparaît tout au long du livre. C'est un thème que vous aviez abordé dans l'un de vos films. Ce sujet vous préoccupe-t-il?

Le rapport dominant-dominé est l'un de mes thèmes favoris. Je l'ai développé plus particulièrement dans mon roman « Jean-Pôl et la môme caoutchouc » où je traitais de la guerre du Vietnam. Il faut bien comprendre qu'il y a toujours un moment où le dominé prend le dessus. Le dominant n'étant pas infaillible. Cet instant existe. Au travers mes romans, j'espère insuffler ces graines de résistance qui font qu'un sale destin peut se transformer en jolie vie .

Le sujet est grave, pourtant on a presque l'impression d'être dans un conte de fée. Pourquoi ce parti pris?

Parce-que nous sommes des éternels enfants et que nous avons besoin de rêver (sourire) Un conte de fée pour adultes, c'est un soleil qui entre dans la maison et aide au quotidien.

Quelle est votre actualité en ce moment?

Je prépare un tour musical littéraire d'une cinquantaine de minutes. Je me suis entourée de Di2 compositeur déjanté classico-noïse, Sirieix du groupe Rock « les trois fois rien », Tof du groupe anarcho-punk « Miss Hélium », et Manuji bassiste et sorcière des bois. J'ai déjà testé quelques extraits dans des salons littéraires et je me suis aperçue que les mots prenaient une toute autre dimension. Hypnotique.

Vous serez en séance de dédicace à la Rose des Vents,est-ce un moment que vous appréciez?



Ce sont des moments privilégiés de partage. La lecture et le ressenti des lecteurs me livrent parfois des clefs. Cet échange est très enrichissant. J'aime ces rencontres.

Franca Maï Crédit Photo Didier Delaine