J’ai passé l’après-midi avec Malou Maillebôt. Trentenaire, mère de deux enfants, Loubna et Fredo, qu’elle élève seule depuis que Dino est parti « pour une femme épinglée sur un site de rencontres ». Le schéma familial était sensiblement identique dans le roman « Speedy Mata », qui présentait Mata, élevée par sa mère depuis que celui qu’elle qualifiait de « vraie larve » les avait abandonnées. Alors Franca, pourquoi ce choix permanent de familles monoparentales ?

- Franca Maï : La confrontation aux familles monoparentales devient une évidence dans ce monde déshumanisé et soulève le couvercle d’une solitude glaçante. Beaucoup d’humains vivent dans un désert affectif sidéral. Femmes ou hommes, élèvent de plus en plus souvent des enfants, seuls, se dépêtrant tant bien que mal avec leurs propres angoisses. Lorsque je rencontre par exemple, certaines femmes qui misent tout sur leur progéniture, confondant le fils avec le petit garçon, le confident et l’amant virtuel, le plaçant dans la position inconfortable de la « multiple casquette » au détriment de l’enfance, je me demande toujours quel type d’adulte se profilera à terme. Dans Crescendo, mon dernier roman, Malou Maillebôt est un soleil aux rayons régénérateurs. Elle est l’antithèse de l’immobilisme et prouve que rien n’est définitif, tout peut bouger.

Ce sont des femmes qui vivent difficilement d’emplois instables et peu rémunérateurs. Malou rêve de partir en vacances avec ses enfants mais il y a la coupure d’électricité (l’absurdité des échanges avec la hot line EDF – GDF est déconcertante de réalisme), les deux mois de cantine à régler… et cette augmentation qui est refusée. Les scènes qui évoquent la dureté de la directrice d’école et du patron d’entreprise sont d’une triste justesse. Mais Malou tourne les talons ; donne sa démission. Des actes simples qui deviennent héroïques de nos jours ?

- Cette coupure d’électricité déconcertante de réalisme, je l’ai vécue en live (rires). Je crois que le système capitaliste, basé sur l’endettement des pauvres et les profits non partagés, a achevé la lucidité des humains. Si on prend le temps de souffler et de réfléchir, on comprend que cette monstruosité individualiste n’est pas viable. Elle mène à la destruction des êtres et du libre arbitre. Personne ne peut s’épanouir dans la course « aux factures à régler ». La quête matérialiste de ce siècle est un leurre et ne transcende pas le bonheur. Dans Crescendo, mon dernier roman, Malou donne sa démission, non pas par héroïsme, mais par une conscience aiguë de ce qu’elle ne veut pas ou ne veut plus vivre. Elle sait que ses rêves secrets peuvent se réaliser. Elle prend sa destinée en main, en optant pour le courage de contourner la route tracée. Défricher.

La suite de l'interview ICI