Quand on perd ses parents, on est orphelin. Quand on perd un enfant, il n’existe aucun mot. Peut-être pour nier une réalité qui est la pire hantise de ceux qui fondent une famille. Et sans doute aussi parce qu’il n’est pas de terme qui puisse décrire le désespoir de voir disparaître votre chair et votre sang. Sinon l’amputation. Et lorsque l’horreur s’ajoute à l’horreur, que sa fillette a été torturée, violée et enterrée vivante, sa mère devient toute douleur : « que font-ils là tous ces gens ? En quoi se sentent-ils concernés ? Ce n’est pas leur enfant (…) Qui pourrait réveiller ma fille ? Lui enlever la terre de la bouche. » La police trouve un coupable, son propre voisin, déjà emprisonné pour pédophilie. Mais le voisin est innocent et la mère va lui demander l’indicible : raconter ce qu’il y a dans la tête d’un de ces psychopathes qui défraient les chroniques faits divers et justice.

Commence un récit terrible d’une double vérité : le passage à l’acte d’un malade et l’agonie de sa fille. Chaque lettre livrée par courrier lui apporte quelques minutes des souffrances de son enfant, chaque discussion rend horriblement humains les crimes les plus impardonnables. Franca Maï a un style incomparable : le récit, si difficile soit-il, se dévore de façon insatiable, pour comprendre sans pardonner. « Lorsqu’un enfant aime la confiture, allez-vous l’autoriser à dévorer tous les pots juste pour satisfaire son envie ? Lorsqu’il est attiré par la prise électrique, le laissez-vous se griller les doigts ? Non, vous le guidez. »

En adoptant le point de vue d’une survivante à l’horrible tragédie, Franca Maï signe un roman bouleversant. C.M