l’Echo Républicain
L’ECHO REPUBLICAIN du Jeudi 20 Novembre 2003
« La fêlure humaine m’interpelle »
Le deuxième roman de Franca Maï aborde la guerre d’Indochine. Franca Maï est artiste jusqu’au bout des ongles qu’elle peut avoir très longs... Comédienne, chanteuse, écrivain, elle donne un coup de griffe à tous ceux que les guerres ont transformés en tortionnaires dans Jean-Pôl et la môme caoutchouc, son deuxième roman.
-Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la guerre d’Indochine dans votre deuxième roman ?
Mon grand-père vietnamien est mort avant ma naissance. Le peuple asiatique me fascine tout comme le monde des chats. L’ouvrage de Jean-Luc Einaudi, Vietnam (la guerre d’Indochine, 1945-1954) m’a livré un éclairage brutal de cette période que je ne connaissais pas bien et quelques cauchemars ont hanté mes insomnies. Fouler et me rouler dans mes racines sur fond de guerre d’Indochine m’a permis d’aborder les thèmes qui me sont chers : le dérapage, la cruauté, la déstabilisation. Donner à voir ce qui ne se voit pas.
-Quelle est la part du réel et de la fiction dans cette
histoire ?
C’est une histoire totalement inventée. La guerre rend l’homme nu dans sa cruauté animale. L’Indochine n’était qu’un rendez-vous héréditaire, une voie initiatique qui me permet de caresser l’âme de mon grand-père. Une manière de cracher sur la bêtise humaine et de déterrer les os bêlants et racistes. C’est le baiser mouillé d’une petite fille à la face d’une lune siamoise ayant les traits d’un grand-père aux yeux à jamais crevés.
« Les gagneurs ne m’inspirent pas »
-Jean-Pôl, qui est pourtant du côté des bourreaux, n’est-il pas aussi victime de la guerre ?
Dans le but de renouer avec ses racines, Jean-Pôl se trouve embringué dans une guerre qui lui échappe. Il y découvre surtout un sadisme gratuit. A sa manière, il va résister et dire non à la torture en trouvant le moyen de s’évader avec la jeune espionne prisonnière dans un monde parallèle. C’est le moment fatidique où la victime prend le dessus sur le bourreau.
-Pour quelles raisons vos personnages sont-ils plus ou moins paumés ?
Je pense que les robots appelés les gagneurs, formatés pour des sociétés essentiellement matérialistes ne m’inspirent rien. Leurs discours ressemblent au gavage d’oies. Mais les robots cassent et rouillent... La fêlure humaine m’interpelle, elle cache souvent un profond questionnement sur la vie.
-Comme dans votre premier roman Momo qui kills ?
Momo était un homme blessé par l’abandon de son épouse et de sa fille. Il a développé une véritable haine des femmes.
-Pourquoi les hommes n’ont-ils jamais le beau rôle dans vos histoires ?
Le groupe, la horde d’hommes, les hommes ensemble sont souvent sous influence. Ils peuvent devenir des chiens, sans aucun état d’âme. Lâches et brutaux.
-Que recherchez-vous dans l’écriture ?
La jubilation extrême de la liberté totale, sans entrave, sans censure et en toute alchimie. Cet état d’ivresse, proche de l’hypnose est impossible à décrire.
-Comment avez-vous été amenée à écrire ?
En 2001, j’ai écrit une lettre d’amour à un homme sous forme d’une nouvelle : Avec ma permission. Il ne l’a pas comprise...
Interview de Gérald Massé
Repères :
Franca Maï réside en Normandie près de Ouistreham (Calvados)
Elle est productrice dans l’audiovisuel, comédienne, chanteuse et écrivain.
Après Momo qui kills en 2002 (cherche-midi), Jean-Pôl & la môme caoutchouc est son second roman.
LE BOURREAU AVAIT UN CŒUR
A peine sorti de l’adolescence, Jean-Pôl se retrouve confronté à la guerre. Celle d’Indochine le rapproche de ses racines mais ce sont celles du mal qu’il découvre à travers les ordres de ses supérieurs. « Ah, les histrions ! Pour mes dix-huit ans, ils m’ont offert une fleur d’Asie » : chargé de « préparer » une jeune espionne au viol collectif, à la torture, il va en tomber amoureux. La victime se vengera à sa manière...
Jean-Pôl et la Môme caoutchouc
Franca Maï
cherche midi
ISBN n° 2 74910 129 8
132 pages 14 x 21
11 €
Article suivant : Figaro Littéraire
article précedent : Le Républicain Lorrain
